Le casse-tête du prélèvement à la source arrive
La fiche de paie française était connue pour sa complexité, ou plutôt sa longueur, juste reflet de la complexité de notre système de retenues, avec les retenues obligatoires et celles qui étaient complémentaires, la notion de plafond, la part patronale et la part salariale, les cotisations qui relevaient plus d’une logique de l’impôt sur le revenu, comme la CSG, etc.
Dans un louable effort de simplification, le gouvernement français a donc décidé de simplifier aussi le bulletin de paye, avec une version plus résumée, qui doit être mise en place dès le 1° janvier 2017 pour les entreprises de plus de 300 salariés, au 1° janvier 2018 pour tout le monde.
Malheureusement, cette simplification ne l’est peut-être pas tant que cela. Les informations portées sur le bulletin de paye avaient leur importance, leur agrégation rend leur contrôle nettement plus difficile. De plus, la synchronisation entre cette réforme et celle du prélèvement à la source va obliger les entreprises de plus de 300 salariés à modifier deux fois leurs bulletins de paye – et les programmes qui vont avec. Les petites entreprises, elles, devront au 1° janvier 2018 faire face à deux modifications importantes.
Une simplification qui fait perdre des informations
Le bulletin de paye à l’ancienne présentait de façon extrêmement détaillée le passage du salaire brut au salaire net. Tous les éléments du calcul étaient affichés, le salarié pouvait refaire le calcul pas à pas. Si les erreurs arithmétiques étaient rarissimes, les erreurs de base ou de taux, elles, pouvaient survenir.
De plus, il était facile de comparer d’une entreprise à l’autre les « avantages » que constituaient les différents systèmes complémentaires, par rubrique.
Avec la présentation simplifiée, les bases sont toujours mentionnées, mais en bas du bulletin de salaire, il n’y a plus aucun lien entre les lignes de cotisations et les « bases » (donc le montant du salaire sur lequel elles sont appliquées), ce qui veut dire que le calcul de retenue ne peut pas être reconstitué.
De la même façon, la disparition du centre de paiement et surtout, du numéro d’identification URSSAF rend plus difficile la recherche d’informations et de responsabilité de la part du salarié en cas de fraude de l’entreprise.
Un bulletin de paye utilisé seulement un an
La réforme suivante, celle du prélèvement à la source, est loin d’être simple. N’oublions pas que, pour protéger la confidentialité des revenus réels des salariés, le gouvernement a prévu la possibilité pour eux de demander l’application d’un taux standard…
Si, en apparence, il s’agit simplement de « rajouter une soustraction », en réalité, c’est bien un changement de processus qui aura lieu au 1° janvier 2018 : ajout d’une information supplémentaire (le taux d’imposition), flux de récupération automatique de cette information de la part des services fiscaux, flux d’envoi des informations et des paiements aux mêmes services fiscaux.
Il est possible de prévoir dès maintenant l’espace nécessaire pour l’impression de l’information, mais les éléments précis que le gouvernement veut voir figurer sur le bulletin de paye en ce qui concerne cette retenue seront-ils connus avec suffisamment d’avance pour que les entreprises qui passent au bulletin de paye simplifié à cette date puissent les intégrer dans des programmes informatiques complexes et sensibles, qui doivent déjà être en cours de test ?
On peut en douter, et donc plaindre les services paye qui devront gérer deux modifications importantes, à un an d’intervalle.